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ZONES HUMIDES ET EAUX USÉES : ATTENTION, SATURATION !

Les zones humides de nos territoires ultramarins (mares, étangs lacs, lagunes, dolines, marais, forêts marécageuses, mangroves, récifs coralliens…) sont aussi diverses qu’utiles, et nous rendent de nombreux services, notamment épuratoires. Certaines collectivités ou particuliers semblent même les considérer comme des solutions de facilité pour assainir les eaux usées domestiques ou pluviales, et ce d’autant qu’elles ne coûtent rien en termes d’entretien ou d’investissement. Attention cependant : les zones humides ne sont ni des dépotoirs, ni des stations d’épuration, et leur pollution peut mener à des atteintes irréversibles. Le Pôle-relais zones humides tropicales du Comité français de l’UICN, ainsi que les experts du GOM (Groupe Outre-mer), souhaitent alerter sur ce type de pratique, et en appeler à la responsabilité de chacun pour préserver leurs bienfaits.

Crédit : M.Herteman

La pression urbaine galopante est une réalité dans l’ensemble des outre-mer, ce qui impacte fortement les milieux naturels et notamment ceux qui, paradoxalement, nous rendent les plus grands services : les milieux humides. Grande est la tentation de servir de leurs pouvoirs épuratoires pour s’affranchir des contraintes relatives à la gestion des eaux usées ! C’est pourtant une grossière erreur, car les capacités épuratoires des zones humides étant limitées, elles se retrouvent rapidement affaiblies par les pollutions diffuses, et leur dégradation mène à la perte des services qu’elles peuvent nous rendre, voire leur disparition. Un cercle vicieux dangereux…

Crédit : M.Herteman

Le sujet de la gestion de l’eau et de l’assainissement est problématique dans l’ensemble des territoires ultramarins, même si les constats sont différents d’un territoire à l’autre. A Nouméa en Nouvelle-Calédonie, moins de la moitié des habitants est raccordé à l’une des six stations d’épuration de la ville. En Polynésie française, la station d’épuration de Papaeva inaugurée en 2016 ne fonctionne qu’au tiers de sa capacité, faute de raccordements suffisants. En Guyane, 95% des installations d’assainissement autonome sont non-conformes. Quant à Mayotte, où il n’existe toujours pas d’Office de l’Eau, les capacités d’ingénierie sont insuffisantes et ont mené de nombreuses défaillances, malgré une réelle volonté d’améliorer le service public de l’eau potable et des eaux usées.

C’est dans les territoires antillais que le problème est le plus avéré : les rejets des eaux usées domestiques dans le milieu naturel constituent le 1er facteur de pollution azotée des zones humides et des cours d’eau. A l’heure actuelle, 75000 installations d’assainissement non-collectif sont recensées en Martinique ; dont 90% sont évaluées non conformes par les services de contrôle. Même constat en Guadeloupe, où les eaux pluviales et usées ne sont quasiment pas traitées. En cause : 80% des systèmes d’assainissement autonome sont défectueux, selon l’Office de l’Eau de Guadeloupe. Mais ce sont aussi 40% des eaux de baignades qui ont vu leur qualité se dégrader, ces 10 dernières années, en raison de la présence de germes bactériens dus aux rejets d’eaux usées domestiques en mer. En théorie, la qualité des eaux est tellement mauvaise qu’elle justifierait de fermer toutes les plages guadeloupéennes par mesure sanitaire d’ici 10 ans ! On retrouve le même type de problème en Guyane et en Nouvelle-Calédonie, avec des interdictions de baignade. Belle image touristique…

 

MAIS ALORS, QUE FAIRE ?

Crédit : M.Herteman

Aux Antilles, les Offices de l’Eau, chargés de la gestion de la ressource, sont conscients du problème et tentent de mettre en place des solutions. Celui de Martinique, en partenariat avec la DEAL, a délimité par arrêté des Zones Humides d’Intérêt Environnemental Prioritaire (ZHIEP) dans le cadre du Schéma Directeur d’Aménagement et de gestion des Eaux (SDAGE) 2022-27. Des Zones à Enjeux Environnemental (ZEE) et des Zones sensibles à l’Eutrophisation (ZES) ont également été identifiées, dans le but de mieux préserver les zones humides en les cours d’eau en priorisant les zones de rénovation et mise aux normes de l’assainissement non-collectif.

D’autres solutions passent par l’accompagnement technique et financier des usagers pour la mise en conformité des systèmes d’assainissement. En Martinique, comme dans la plupart des territoires d’outre-mer, six foyers sur 10 sont reliés à un système d’assainissement non-collectif. Or, ces installations doivent faire l’objet d’un entretien régulier et notamment de vidanges régulières (tous les 5 ans en moyenne, et 2 ans pour les petites unités individuelles) qui peut être coûteux et parfois difficile à réaliser, car le secteur privé manque de capacité pour réaliser ces prestations dans beaucoup de territoires, notamment en Polynésie française.

Pour aider les usagers à supporter ces frais, l’Office de l’eau de Martinique a mis en place un Dispositif de Financement de l’Assainissement pour les Particuliers (DFAP) pour les foyers les plus modestes afin qu’ils puissent mettre leurs systèmes d’assainissement aux normes (jusqu’à 95% du cout pris en charge). Ce système existe également à Mayotte, où un financement de 3000€ est accordé par l’État et le Conseil départemental pour les travaux de raccordement. Cependant, le montage et les frais de dossier restent trop souvent encore un obstacle…

Le développement de systèmes d’assainissement adaptés et innovants, comme les microstations d’épuration – comme il existe en Polynésie française (Moorea), à Mayotte (Tsingoni), à la Réunion (Grand-Fond) ou encore en Guyane (Saint-Laurent-du-Maroni) ou des systèmes de phyto-épuration utilisant des espèces indigènes (comme en Martiniqe avec les stations à filtres plantés de la Taupinière ou celle du François) font partie des solutions et doivent être encouragés et soutenus.

CHACUN A UN RÔLE À JOUER !

Au-delà des réponses institutionnelles, chacun peut y mettre du sien pour améliorer la situation et contribuer à préserver les zones humides et le littoral, véritables joyaux de biodiversité de nos territoires ultramarins. Quelques petits conseils :

  1. Chez soi : mettre aux normes son dispositif d’assainissement individuel, en profitant des dispositifs d’aide en place; renseignez-vous auprès de votre Office de l’Eau ou équivalent. Et si vous vous pouvez être raccordé à un système collectif, raccordez sans plus tarder ! Utiliser des produits de ménage respectueux de l’environnement ou faits maisons plutôt que vendus dans le commerce car ils ont bien souvent un fort impact sur l’environnement : vinaigre blanc, bicarbonate de soude, savon noir sont sans danger, tout aussi efficaces et bien meilleurs pour votre porte-monnaie !
  1. Dans la nature : ne rien jeter dans le milieu naturel- que ce soient des déchets ou des eaux usées… !! Mangroves, rivières, mares et mer ne sont pas des poubelles…
  2. Au quotidien : penser aux zones humides et au littoral dans tous les gestes : le devenir des eaux de carénage de de bateau, le lavage de voiture, le type et la quantité de produits phytosanitaires utilisés dans son jardin ou potager…ont un impact direct sur ces milieux

On compte sur vous ! Les zones humides vous remercient…