Depuis 2022, le Comité français de l’UICN pilote, dans le cadre du programme « Écosystèmes » et du Réseau d’Observation et d’aide à la gestion des Mangroves (ROM), un projet de cartographie diachronique des mangroves dans les territoires ultramarins. Ce travail vise à mieux comprendre l’évolution des surfaces de mangroves au fil du temps, dans un objectif de gestion, de conservation et d’évaluation selon les critères de la Liste rouge des écosystèmes.
Le projet a été décliné en trois phases, s’appuyant sur l’interprétation d’images aériennes pour reconstituer les dynamiques d’évolution à différentes échelles de temps et d’espace. Les résultats issus des trois phases du projet ont été combinés afin de dresser un bilan par territoire depuis les années 1950.
Guadeloupe
Tendance générale : Augmentation globale des surfaces de mangrove (+20,6 % entre 1950 et 1984) mais avec une régression lente depuis 1984 (-1,4 %, soit environ 50 hectares perdus).
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Dynamique locale : Cette progression semble surtout liée à la colonisation d’anciens marais saumâtres (zones pâturées abandonnées), alors que des pertes importantes ont été enregistrées en zones urbaines.
- Autres écosystèmes associés :
- Forêts marécageuses : −15 % entre 1950 et 1984, légère stabilisation depuis.
- Marais herbacés : −35 % entre 1950 et 1984, augmentation de +10% depuis.
Martinique
- Tendance générale : Stabilité globale des surfaces de mangrove entre 1950 et 2020.
- Dynamique locale :
- Pertes en arrière-mangrove dues à l’urbanisation.
- Gains en front de mer liés à l’avancée naturelle du trait de mangrove.
- L’introduction de la date de 1982 montre que 2020 correspond à un retour à un état antérieur, confirmant une résilience spatiale des écosystèmes.
Saint-Martin
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Tendance générale : Perte importante (−40 % entre 1950 et 2020).
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Dynamique locale : Destruction massive des mangroves anciennes (urbanisation, artificialisation), compensée partiellement par des recolonisations sur de nouveaux sites (zones remblayées, lagunes transformées).
- Dates clés :
- 1989 : déjà 25 % de pertes.
- 2020 : les massifs présents sont en grande majorité récents et souvent en position marginale.
Saint-Barthélémy
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Tendance générale : Forte régression (−65 % entre 1950 et 2020).
- Dynamique locale :
- Entre 1950 et 1988 : 83 % de la mangrove détruite (−9,69 ha).
- Après 1988 : apparition de nouvelles surfaces, mais sur des zones différentes.
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Conclusion : Les mangroves actuelles sont majoritairement jeunes, issues de déplacements et recolonisations, sous forte pression anthropique.
Mayotte
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Tendance générale : Apparente stabilité (−2,4 % entre 1950 et 2020), mais masquant des dynamiques internes très fortes.
- Dynamique locale :
- Évolutions marquées sur les fronts pionniers et les marges (Sonneratia, Avicennia, Heritiera).
- Environ 30 % de la surface de mangrove a changé entre chaque période.
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Conclusion : Système en équilibre dynamique, avec compensation locale des pertes par progradation ailleurs.
Wallis
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Tendance générale : Augmentation (+18,1 % entre 2004 et 2020).
- Facteurs explicatifs :
- Protection coutumière renforcée.
- Projets de restauration .
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Conclusion : Exemple positif de gestion locale et de reprise écologique.
Polynésie française
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Tendance générale : Augmentation significative des surfaces, notamment depuis les années 2000.
- Dynamique :
- +30,6 % à Moorea entre 2011 et 2020 de Rhizophora stylosa, une espèce de palétuvier introduite dans les années 1930 à Moorea et présentant aujourd’hui un potentiel d’espèce exotique envahissante (EEE).
- Croissance plus marquée dans les îles de Tahaa, Raiatea, Huahine.
En conclusion
Malgré des tendances contrastées selon les territoires, trois grands profils se dégagent :
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Territoires en perte nette (Saint-Barthélemy, Saint-Martin) sous forte pression urbaine.
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Territoires globalement stables mais dynamiques ( Martinique, Mayotte), où les chiffres masquent des déplacements internes.
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Territoires en progression (Guadeloupe, Wallis, Polynésie française), en lien avec un relâchement des pressions humaines ou des actions de restauration. À l’inverse, en Polynésie française, l’expansion observée est dûe au palétuvier introduit (Rhizophora stylosa), présentant un potentiel invasif au détriment de la submangrove indigène.
*Cette étude a bénéficié du soutien financier de l’IFRECOR, la CTM, l’OFB, et du Ministère de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche.
Pour aller plus loin
- Rapport complet – phase 1 (Guadeloupe et Saint-Martin 1950 – 2020, Saint-Barthélémy 1954-2020, Wallis 2004 – 2020, Polynésie française 2011-2020)
- Rapport complet – phase 2 (Guadeloupe 1984, Martinique 1950-2020, Polynésie française dates intermédiaires 1955-2006)
- Rapport complet – phase 3 (Martinique 1982, Saint-Martin 1989, Saint-Barthélémy 1988, Mayotte 1950 – 1989 – 2020)
Pour accéder aux données cartographiques et à la visualisation des surfaces gagnées et perdues
- Guadeloupe_Evolution_Mangroves_1950-1984-2020
- Guadeloupe_Evolution_Forets-marecageuses-1950-1984
- Guadeloupe_Evolution_Marais-herbacés-1950-1984
- Martinique_Evolution_Mangroves_1951-2020
- Martinique_Forets_humides_1951
- Polynesie_Iles du Vent_Mangroves_1950-1980-2000-2020
- Polynesie_Iles Sous-le-Vent_Mangroves_1950-1980-2000-2020