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Invasion des sargasses : Conséquences écologiques sur les écosystèmes de mangrove

Texte de Mélanie Herteman, Écologue
Photos de Laurent Juhel, Photographe éco-interprète

Sargasses : carte d’identité

Deux espèces de sargasses présentes dans les nappes flottantes envahissent massivement les côtes des îles de la Caraïbe (Sargassum fluitans et S. natans) depuis les années 2011. Elles appartiennent à la famille des algues brunes (Phaeophyceae) et sont pélagiques, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas fixées sur les fonds, elles flottent et vivent en surface des eaux marines au gré des courants. 

En mer, vivantes, elles présentent peu de danger et assurent au contraire des fonctions écologiques essentielles telles que [1] :  

 

  • Véritable habitat dans les eaux de surface pour les espèces épipélagiques, elles abritent de nombreux crustacés, mollusques et poissons (Fine 1970; Kingsford 1995). Elles sont même considérées par les pécheurs comme de véritables « Dispositifs de Concentration de Poissons (DCP) » naturels car elles attirent de plus gros poissons venant se nourrir sous ces radeaux flottants 
  • Biodiversité importante : abritant plus de 100 espèces de poissons, champignons, micro et macrophytes, 145 espèces d’invertébrés, quatre espèces de tortues marines et de nombreux oiseaux marins, les radeaux flottants sont reconnus comme habitat essentiel du poisson (EFH) par le National Marine Fisheries Service (SAFMC 1998) et comme écosystèmes complexes contenant plus d’ordres d’organismes que les eaux de haute mer (Dooley 1972; Kingsford 1993; Lambert et al. 1999). 
  • Ces radeaux assurent aussi un cycle pour les nutriments (océan à rivage) et notamment en fixant de l’azote via des algues bleu-vert épiphytes  

 

D’autre part, elles rendent plusieurs services écosystémiques pour plusieurs types d’activités humaines  : source de nutriments pour les animaux d’élevage, absorption de polluants (arsenic, chlordécone et autres [2], [3]), stockage de gaz à effet de serre, source de molécules pour l’industrie pharmacologique, matière utilisable pour produire de l’énergieutilisée en industrie alimentaire (arômes de fruits de mer, alginates, liant) [1] 

Elles peuvent néanmoins favoriser la dissémination et la propagation d’Espèces Exotiques Envahissantes (EEE) telles que le poisson lion (cf encadré).  

Lorsque ces algues s’échouent sur le littoral en masseelles meurent progressivement et les conséquences sanitaires et économiques se révèlent catastrophiques [5], [4].  La dégradation des sargasses produit (entre autres) de l’hydrogène sulfuré (H2S), un gaz toxique, dont l’odeur est aujourd’hui bien connue de tous. Ce gaz est nocif à de fortes concentrations, il est donc recommandé aux personnes sensibles (enfants, personnes âgées) d’éviter les zones où les sargasses sont en décomposition. Cependant, ce phénomène n’est pas seulement nuisible pour les humains. En effet les conséquences environnementales, moins documentées scientifiquement jusqu’ici, sont pourtant une réalité. Les écosystèmes littoraux telles les mangroves, les herbiers et les coraux sont eux aussi victimes de l’envahissement de ces algues [7], [8].  

 

Une continuité écologique menacée

Les littoraux des îles de la Caraibe se caractérisent par la présence de 3 écosystèmes littoraux tropicaux connectés et interdépendants que sont les mangroves, les herbiers de phanérogames marines et les récifs coralliens [9], [10].  

Leurs fonctions écologiquemultiples (habitat pour une grande biodiversité floristique et faunistique, nourrissage, zone de refuge..) et les services écosystémiques rendus indispensables (protection des côtes contre l’érosion, épuration des eaux, lutte dans le réchauffement climatique) renforcent la nécessité de les préserver et donc, de connaitre l’impact de l’échouage des sargasses sur ces écosystèmes 

Aujourd’hui, trop peu de travaux se sont consacrées à l’étude de l’impact de ces échouages sur les mangroves de la Caraïbes et de leurs écosystèmes adjacents (herbiers, récifs coralliens).  

En Martinique, une première étude menée portée par la DEAL en 2011 [7et revue en 2015 [8] permis de dresser un état des lieux d’urgence suite aux premiers échouages sur l’état des mangroves et des herbiers. Des observations et mesures ont été faites sur plusieurs sites pour évaluer l’impact de la présence massive des sargasses sur les paramètres physico-chimiques de l’eau ainsi que sur ces habitats d’intérêt. Cette étude montre que la présence massive de sargasses entraine une anoxie des eaux et la mortalité́ des invertébrés 

 

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