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A la découverte de… Anatòli Bec-Canet, animateur du réseau limicoles Antilles Françaises

Ce mois-ci nous rencontrons Anatoli Bec Canet de l'unité connaissance de l'Office Français pour la Biodiversité en Guadeloupe qui nous parle du réseau limicoles.

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

J’ai 23 ans, après un BAC STL, j’ai obtenu un DUT Génie biologique puis une Licence professionnelle en pharmacologie. L’expérience personnelle la plus importante pour moi fut de travailler au sein d’un bureau d’étude sur l’environnement en tant que chargé de mission sur la restauration et le diagnostic écologique des zones humides en Auvergne pendant un an.

Suite à cela, et en parallèle des sorties ornithologiques personnelles que je fais depuis mon plus jeune âge, j’ai postulé à une offre en Guadeloupe pour animer le Réseau limicoles de Guadeloupe et îles du Nord.

Je travaille donc au sein de l’OFB (Office Français de la Biodiversité), anciennement ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage), créé le 1er janvier 2020. Ce nouvel établissement public, placé sous la tutelle des Ministères chargés de l’environnement et de l’agriculture, intègre les missions, les périmètres d’intervention et les 2 800 agents de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage. Il contribue, s’agissant des milieux terrestres, aquatiques et marins, à la surveillance, la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité ainsi qu’à la gestion équilibrée et durable de l’eau en coordination avec la politique nationale de lutte contre le réchauffement climatique.

Au sein de cette structure, je mène des études sur les limicoles à l’Unité Connaissance Antilles françaises sous la direction du responsable de cette unité.

Aujourd’hui, c’est toi qui est en charge du réseau limicole aux Antilles. Avant de nous expliquer les objectifs du réseau, peux-tu nous dire ce que sont les limicoles, et pourquoi ils sont importants à la fois pour les écosystèmes humides et pour les populations antillaises ?

Les limicoles sont des petits échassiers de l’ordre des Charadriiformes. Le mot limicole vient du latin limus qui signifie vase et colere qui veut dire habiter. On peut donc désigner les limicoles comme les oiseaux qui vivent et se nourrissent dans la vase grâce à leurs pattes et leurs becs adaptés aux milieux humides et vaseux.

Migration des limicoles aux Amériques

Ce sont également des oiseaux migrateurs qui descendent pour leur migration postnuptiale du Canada et du nord des Etats-Unis pour rejoindre l’Amérique du Sud afin de trouver une ressource alimentaire plus importante. C’est pourquoi nous avons, à une période bien précise (juillet – novembre), de nombreux limicoles qui sont de passage aux Antilles puisque celles-ci se trouvent sur leur axe de migration.

Les limicoles sont un indicateur de la qualité du milieu humide littoral. Plus le milieu est sain, protégé et dégagé, plus nous pourrons trouver des limicoles sur ce site. Lorsque la qualité du milieu se dégrade à cause par exemple du renfermement de celui-ci, d’un dérangement trop important ou d’une pollution du sol, ces espèces d’oiseaux se déplaceront afin de trouver un milieu plus propice.

Aux Antilles, et en Guadeloupe notamment, 13 espèces de limicoles sont chassables (cf liste ci-dessous) et cette pratique cynégétique est ancrée depuis des générations dans la tradition des populations locales. Néanmoins, et comme partout ailleurs, la préservation de la faune et des milieux qui l’abrite devient une priorité. Le regard sur ces oiseaux évolue beaucoup ces dernières années.

Cf liste des espèces de limicoles chassables en Guadeloupe :

Pluvier bronzé – Pluvier argenté – Tournepierre à collier – Petit chevalier – Grand chevalier – Bécasseau à échasse – Bécassin roux – Bécasseau à poitrine cendrée – Courlis corlieu – Barge hudsonienne – Bécassine de Wilson – Maubèche des champs – Chevalier semipalmé.

(source photo Jérémy Delolme)

Le Réseau limicoles a ainsi été créé en 2016 par l’OFB avec pour objectif de contribuer à la préservation de ces espèces et de leurs habitats en s’appuyant sur une dynamique locale, nationale et internationale afin de concentrer les efforts, les connaissances et compétences des acteurs (institutionnels et associatifs).

Donc quelles sont les missions du réseau limicole ?

Les missions de ce réseau regroupant maintenant les différents acteurs des Antilles Françaises ainsi que les scientifiques et les gouvernements du Canada et des Etats-Unis, peuvent être définies en trois axes :

1.       Tout d’abord l’animation de celui-ci en organisant notamment des comités de pilotages et des réunions de travail avec les différents partenaires, en suivant l’adhésion des partenaires à la charte du réseau ou encore en définissant sa stratégie pluriannuelle en analysant et définissant les priorités d’actions compte-tenu du contexte, en lien avec les partenaires.

2.       Ensuite, il y a le développement de ce réseau en coordonnant l’ensemble des actions développées dans ce cadre, en mettant en place des suivis en lien avec les partenaires scientifiques et locaux, en assurant la valorisation des données collectées ou encore en développant la mise en place de milieu test pour une gestion en faveur des limicoles.

3.      Enfin le dernier axe est de coordonner le réseau entre les partenaires en les tenant informés de l’avancée des actions, en suivant les conventions de partenariat et en assurant la cohérence du réseau avec les programmes déjà développés à l’échelle de l’axe migratoire des espèces.

Jusqu’à présent, est ce que ce réseau a permis une évolution de la gestion des limicoles dans les Antilles, et notamment en Guadeloupe ?

Depuis sa création en 2016, le réseau a accueilli beaucoup de partenaires et a développé de nombreuses actions de gestion de cette avifaune migratrice. On peut notamment retrouver les différents groupes de travail qui ont eu lieu en 2016, 2017, 2018 dans différents états de la caraïbe et en 2019 en Guadeloupe lors du congrès Birds Caribbean. Ces groupes de travail ont permis de faire le point sur les études réalisées sur les limicoles dans la caraïbe, de discuter des résultats obtenus et de trouver des idées afin de mettre en place des actions concrètes sur nos territoires.

On retrouve notamment dans ces actions concrètes, la création en mars 2019 de Réserves de Chasse et de Faune Sauvage en Guadeloupe sur le domaine public maritime. Ce projet a vu le jour grâce à l’action de plusieurs partenaires comme le Conservatoire du Littoral ou encore la Fédération Départementale des Chasseurs de Guadeloupe.

La gestion passe aussi par la compréhension, c’est pourquoi le Réseau limicoles a organisé bon nombre de formations à destination de professionnels de l’environnement, d’associations ou encore du grand public afin d’apprendre à mieux connaître ces oiseaux ainsi que leur milieu. Des suivis réguliers ont également été mis en place afin d’avoir une idée plus précise de la population de chaque espèce.

Des dates importantes en vues, des évolutions prévues ?

De nouveaux projets émergent chaque semaine, une formation qualifiante de bagueurs limicoles a été organisée en mars 2020 en coordination avec le Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris. La seconde partie de la formation a malheureusement dû être reportée à cause de la pandémie de COVID 19.

Le prochain projet qui découle du groupe de travail qui s’est tenu l’été dernier en Guadeloupe, est d’installer aux Antilles Françaises des stations Motus dont l’infrastructure physique et de gestion de données du système permet de suivre en temps réel des organismes vivants de petite taille par radiotélémétrie à très haute fréquence. Ce qui permettrait, en équipant des limicoles avec cet émetteur, de suivre ceux-ci sur leur axe migratoire et d’en apprendre plus sur leurs déplacements et zones de repos.

Des suivis réguliers de la population des limicoles vont également être mis en place sur plusieurs années, notamment en Martinique et à Saint-Martin, en partenariat avec la fédération des chasseurs de Martinique, le Conservatoire du Littoral et la Réserve Naturelle Nationale de Saint-Martin, afin de faire un état des lieux de la population actuelle sur ces territoires d’Outre-Mer et de suivre son évolution au cours du temps. Sur le moyen terme, la Guyane et Saint-Pierre et Miquelon devraient également rejoindre le Réseau limicoles pour obtenir une vision complète de l’axe migratoire Atlantique ouest.

As-tu une anecdote à nous raconter sur les limicoles ?

Lors de la formation qualifiante de baguage limicoles qui s’est déroulée du 09 au 14 mars 2020, et spécifiquement lors de la partie pratique sur le site de La Pointe-des-Châteaux, nous avons réussi à capturer des limicoles « à la main » en utilisant une épuisette et une lampe torche. J’ai notamment en tête la capture d’un limicole nicheur de la Guadeloupe, l’Echasse d’Amérique, que nous avons baguée et qui a été vu bien portante la semaine dernière sur le même site !