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A la rencontre de Suzanne Conjard, en thèse à « l’Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité » – laboratoire commun (UMR 7205) de l’Université des Antilles – sur la thématique des insectes marins présents dans les mangroves guadeloupéennes

Suzanne, peux-tu te présenter et retracer ton parcours en quelques mots ?

Je m’appelle Suzanne Conjard et je suis actuellement en thèse au laboratoire de biologie marine de l’Université des Antilles dans l’équipe Biologie de la Mangrove de l’UMR 7205 ISYEB. J’ai poursuivi mon stage de fin de master grâce à une bourse de la Région Guadeloupe qui m’a permis de financer ma thèse.

J’ai eu un parcours assez particulier. A la base, je suis diplômée en géographie, ce qui m’a permis de trouver un travail en Guadeloupe via un contrat de volontariat de service civique à l’office national des forêts (ONF). Après mes deux années de VSC, j’ai souhaité reprendre des études afin d’avoir une double compétence en Géographie et en Écologie. J’ai donc pris la décision de reprendre mes études en intégrant un master en écologie à l’Université de Grenoble Alpes. Je suis revenue en Guadeloupe pour mon stage de fin d’année et j’ai finalement été acceptée pour travailler sur les insectes de mangroves.

D’où est partie le projet de thèse ?

Au sein de l’UMR 7205 ISYEB à Paris, où de nombreux chercheurs s’intéressent aux insectes.

L’objectif principal du laboratoire est d’étudier l’origine de la biodiversité, la diversification des espèces et l’établissement de communautés en relation avec l’évolution des taxons dans le temps et dans l’espace en utilisant différent outils taxonomiques, moléculaires, génétiques, acoustiques, cytogénétiques, morphologiques et morphométriques.

A l’université des Antilles, on est le seul pied à terre de ce laboratoire en Outre-mer. L’équipe de biologie de la mangrove a beaucoup étudié le fonctionnement général de ce milieu en se spécialisant sur les bactéries mais peu sur les insectes. C’est un collègue du Muséum National d’Histoire Naturelle, M. Romain GARROUSTE, passionné par les hémiptères, qui voulait savoir si un genre que l’on nomme « Halobates » se retrouvait dans la mangrove, et qui est donc à l’origine de cette étude. C’est à cette occasion que je débutais mon stage de fin d’étude : partir en expédition dans les mangroves guadeloupéennes à la recherche des représentants de ce taxon.

A quoi ressemble ces insectes ?

Ils flottent à la surface de l’eau et se déplacent en patinant. C’est pour ça qu’on les appels des patineurs ou plus communément « araignées d’eau ». En réalité, ils appartiennent à l’ordre des Hémiptères comme les punaises ou les gendarmes.

En Europe, on les connaît bien car on les voit souvent à la surface des lacs ou des cours d’eau. Ils flottent sur l’eau grâce à leurs pattes en x recouvertes de petites soies qui capturent de l’air pour pouvoir se stabiliser à la surface. C’est tout petit, de l’ordre de 3mm.

Comment s’est déroulée la recherche des Halobates ?

Quand on sait où il faut chercher, on trouve ces insectes assez facilement dans la mangrove. Personne ne s’était trop attardé jusqu’à présent sur ces espèces car elles ne se trouvent pas dans des endroits facilement accessibles. Un bateau est souvent nécessaire !

Pendant mon stage, on a prospecté sur quatre sites et sur les quatre nous avons observé quatre morphotypes différents qui correspondaient, après analyse au labo, à quatre espèces différentes.

Plusieurs espèces étaient relativement proches des Halobates mais les expériences en laboratoire ont révélé qu’aucun des échantillons n’en contenaient pour le moment.

Cependant, la découverte de ces insectes mal connus ont suscité un véritable engouement, me permettant ainsi de continuer en thèse avec pour objectif d’apporter une première caractérisation des hémiptères des mangroves de bord de mer de Guadeloupe. C’est un sujet de recherche fondamentale qui demande de prendre du temps pour déterminer le nom de l’espèce et comprendre sa biologie.

A-t-on une idée du rôle de ces insectes ?

Il y a des pistes. Certains auteurs décrivent ces insectes comme ayant un rôle de nettoyeur de la mangrove. Car ce sont des insectes plutôt carnivores qui se jettent sur les proies qui tombent à la surface de l’eau.

Ils sont piqueurs suceurs, c’est-à-dire qu’ils injectent un liquide qui va diluer les chairs pour ensuite aspirer ce liquide. C’est ce que l’on appelle de la digestion externe. Ils s’attaqueraient aux mouches, yen-yen, moustiques ou encore aux papillons. Après je pense qu’ils sont opportunistes et mangent tout ce qu’ils trouvent !

Qu’est ce qui te plaît dans cette thèse ? Sur les insectes, la mangrove ?

J’ai toujours été attirée par la nature, avec à l’origine, une prédilection pour les fougères. C’est grâce à de nombreuses rencontres que je me suis prise de passion pour les insectes. C’est captivant de découvrir le tout petit pour comprendre le fonctionnement global d’un écosystème.

As-tu une expérience particulaire ou une anecdote à raconter sur tes sorties terrains ?

Lors de nos sorties dans le Grand-cul-de-sac, les insectes sont classés par morphotypes et il y avait un morphotype en particulier que l’on retrouvait tout le temps. Récemment, lors d’une visite au Muséum National d’Histoire Naturelle, j’ai découvert parmi les collections que ce morphotype correspondait à deux espèces différentes. Cela remet en question tout le travail et nécessite de refaire la prospection afin de distinguer si ces deux espèces se trouvent dans le même milieu ou pas. Ça montre que la recherche est vraiment un travail continu où les réponses que l’on apporte suscitent encore plus de questions !