Comment concilier questions énergétiques et biomasse végétale ? Peut-être grâce à la valorisation des déchets verts, et certaines espèces exotiques envahissantes (EEE) semblent monter des caractéristiques intéressantes…
C’est du moins ce que tente d’analyser une équipe internationale de chercheurs dans l’étude Development and characterisation of charcoal briquettes from water hyacinth (Eichhornia crassipes)-molasses blend, parue cette année dans la revue électronique PLoS ONE [1]. Leurs travaux ont consisté à analyser divers procédés pour la fabrication de briquettes de charbon à partir de jacinthe d’eau (Eichhornia crassipes) et de molasse mélangées.

L’un des intérêts est énergétique : il viserait à réduire l’importation de charbons ou d’hydrocarbures depuis l’étranger tout en développant une production à partir de ressources locales. D’autre part, ces procédés constitueraient un moyen idéal pour valoriser d’un point de vue socio-économique une espèce exotique envahissante originaire du bassin amazonien. Et ainsi contribuer à sa régulation dans le milieu naturel. Même si la question de la valorisation des EEE est complexe, et que de nombreux articles et documents abordent ce sujet plus en profondeur, il reste néanmoins que la jacinthe d’eau n’est pas à son premier coup d’éclat. Un projet au Bénin a réussi à transformer l’envahisseuse en éponge capable de lutter contre la pollution pétrolière en milieu aquatique.
Des alternatives existent donc, et c’est ce à quoi s’intéressent Naomi Carnaje et ali dans leur article.
En réalité, plusieurs études s’étaient déjà penchées sur la transformation de la jacinthe d’eau en résidus de charbon pour le marché local. Pour rendre l’idée viable, la jacinthe d’eau doit être calcinée et transformée en briquettes denses pour un meilleur rendement et faciliter les questions de transports. Pour ce faire, elle est mélangée à d’autres matériaux, comme de la boue d’eaux usées, d’autres végétaux voire des résidus d’huile de palme ou de farine de manioc. Mais le principal problème de ce charbon composé réside dans sa difficulté à s’enflammer. Afin de pallier cet inconvénient, les auteurs de l’article tentent de caractériser le ratio optimum entre la molasse et la jacinthe carbonisée pour produire des briquettes de meilleure qualité, à haute valeur calorifique et à l’inflammabilité améliorée.
L’étude en question a donc portée sur des analyses mécaniques (densité de la masse et force de compression), thermiques (valeur calorifique et vitesse d’inflammation) et morphologique (FITR et SEM). Tout cela s’est déroulé en quatre phases : (1) carbonisation de la jacinthe d’eau à une température moyenne de 425 °C, (2) préparation du mélange molasse-jacinthe d’eau utilisant différents ratios, (5) densification et mise en briques, (4) Caractérisation des trois briques les mieux formées pour des analyses comparatives de la valeur calorifique, le poids de compression maximal, la densité et le temps d’inflammation.

Résultats, après plusieurs tests, les briquettes ont révélé leurs secrets. Les chercheurs ont constaté qu’en fonction de l’augmentation du taux de molasse, les moisissures se développent et les matières volatiles sont plus nombreuses. Un ratio de 30 :70 (30 % jacinthe d’eau, 70 % molasse) montre des briquettes aux caractéristiques intéressantes, les meilleures en tout cas en termes de valeur calorifique, de résistance ou de compression. Ce procédé pourrait être notamment utilisé dans les zones rurales, et servirait également à gérer les EEE aquatiques de ces territoires.
[1] Carnaje NP, Talagon RB, Peralta JP, Shah K, Paz-Ferreiro J (2018) Development and characterisation of charcoal briquettes from water hyacinth (Eichhornia crassipes)-molasses blend. PLoS ONE 13(11): e0207135. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0207135