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A la rencontre de… Boina Said Boina, Président de l’Association Mangroves Environnement (Mayotte)

Entretien de Boina Said Boina – Président de l’Association Mangroves Environnement à Mayotte – réalisé par Pauline MALTERRE, Chargée de mission Biodiversité, Océan indien, Antenne Mayotte, Comité français de l’UICN.

Boina Said Boina est maître-chien la nuit, et s’investit le jour dans la protection de la mangrove de Tsimkoura, à Chirongui (Mayotte).
Entretien avec un jeune homme dynamique et motivé !

Bonjour Boina. Peux-tu nous parler un peu de ton association et nous expliquer pourquoi tu l’as créée ?

Je suis originaire de Bouéni et plus jeune, dans les années 90, je venais passer mes vacances ici à Tsimkoura, chez ma mère que je voyais pêcher au djariffa dans la zone que nous utilisions aussi pour se retrouver entre jeunes et se baigner. Ce site était magnifique, avec une mangrove bien dense, une belle zone humide, qui abritait de nombreux oiseaux. En 2007 à mon retour de la Réunion puis de la métropole, j’ai constaté les dégâts occasionnés. La mangrove et l’arrière-mangrove avait été coupées, cette dernière remplacée par des espèces introduites comme l’acacia, les déchets s’amoncelaient, les zones d’élevage se multipliaient. Aujourd’hui il n’y a plus que e tous petits poissons alors qu’autrefois, on observait même des requins et des raies !

Nous avons donc voulu intervenir pour sensibiliser la population, leur faire comprendre que la mangrove n’était pas seulement le lieu des djinns et des esprits, mais une zone de forte biodiversité, qui nous rend des services.
Durant mes passages à la Réunion et la métropole, j’ai eu accès à ce qui se faisait ailleurs en Outre-Mer pour protéger la mangrove, et nous avons donc créé l’Association Mayotte Environnement (AME) en 2015 avec mon frère et quelques autres personnes, parties depuis.

Les objectifs de l’association figurent dans les statuts : nous travaillons à la préservation de la mangrove, à la sensibilisation et l’éducation à l’environnement et à l’insertion des jeunes. Aujourd’hui nous avons une trentaine d’adhérents dont certains sont très actifs !
(NDLR : ce jour-là 4 autres jeunes étaient présents pour aider Boina dans la mise en place du dispositif de fermeture de pêche, dans le cadre d’un projet soutenu par le Parc Naturel Marin de Mayotte).

 

C’est donc une toute jeune association, mais très impliquée ! Peux-tu nous parler de vos projets ?

Nous avons plusieurs projets en cours, mais bien d’autres en réflexion !

Depuis 15 jours, nous sommes en train de préparer le dispositif pour le lancement de la saison de fermeture à la pêche, projet soutenu par le Parc Naturel Marin de Mayotte. Nous officialiserons la fermeture le 3 novembre, avec des actions de sensibilisation

Nous menons évidemment des actions de sensibilisation auprès des enfants, sur la mangrove et la zone humide en arrière.
Avec le soutien de l’ensemble de nos partenaires (Groupe d’Action Locale Ouest Grand Sud, commune de Chirongui, Direction de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale, Mayotte Nature Environnement, l’UICN, …), nous sommes en train de monter une base kayak pour renforcer nos actions de sensibilisation et développer une activité écotouristique. Nous prévoyons de faire bénéficier 5 jeunes d’une formation qualifiante, le CQP de moniteur-kayak, que nous voudrions former également aux enjeux de la biodiversité. A terme, nous voudrions pouvoir aménager la zone pour que la population se la réapproprie et respecte cet espace.

Nous avions aussi commencé à expérimenter des actions de replantation de mangrove, et avons déjà observé quelques résultats. Parmi les autres projets en construction, nous sommes également en train de monter un dossier pour la mise en place de ruches pour favoriser le retour des pollinisateurs, diversifier les activités et développer une activité économique qui permettrait de dégager un petit budget de fonctionnement pour l’association. Nous échangeons beaucoup avec nos amis de l’association Nguizi ya niochi (« sucre des abeilles » en shimaoré). Nous souhaiterions bénéficier d’une formation en apiculture pour compléter les connaissances qu’ils nous ont transmises.
Plus tard, on pourrait aussi travailler avec les agriculteurs qui occupent les pourtours de la zone, dont les rivières, pour les engager vers d’autres pratiques.

De gauche à droite : Said, Boina, Nakibou, Adrachi et Soihibou
De gauche à droite : Adrachi, Said, Boina, Akibou

 

 

Un message à faire passer ?

La mangrove de Tsimkoura et la zone humide sont des réservoirs de biodiversité, mais qui sont menacés par l’homme. Avant on voyait de gros poissons, aujourd’hui, il n’y a plus que des petits poissons. La mangrove subit une forte érosion, les services qui étaient autrefois rendus par ces écosystèmes de zone humide, la protection contre les inondations par exemple, sont perturbés. L’utilisation de l’espace doit être encadrée. Les personnes qui viennent pratiquer les rituels vaudous ou faire des voulés (barbecues) doivent ramasser leurs déchets ! La population doit prendre conscience que l’on peut continuer d’en profiter cet espace mais en le respectant.
En attendant, rendez-vous le 3 novembre prochain pour un nouvel événement autour de la fermeture de la pêche !