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A l’échelle mondiale, les zones humides se réduisent comme peau de chagrin

Selon un rapport de la Convention Ramsar publié en 2018, près d’un tiers des zones humides mondiales ont disparu ces 50 dernières années.

C’est un processus qui semble difficilement contrôlable : 35 % des zones humides ont disparu dans le monde depuis 1970. Et pour une bonne partie de celles qui tiennent encore, c’est sans parler de leur état écologique qui se dégrade. Pollution, espèces invasives, modification des équilibres hydrologiques, affres de l’agriculture productiviste intensive… Autant de facteurs dont la principale cause reste anthropique.

Toujours selon le Secrétariat de la convention Ramsar, il y aurait pourtant un problème. C’est que les zones humides procurent des services écosystémiques indéniables à nos sociétés humaines, notamment en lien avec des questions de sécurité alimentaire et de mitigation des risques naturels. Insidieusement,  leur disparition entraîne un surcoût monétaire pour une société déjà en proie à des crises économiques majeures.

Les zones humides disparaissent trois fois plus vite que les forêts

D’une manière générale, le déclin des zones humides est plus de trois fois supérieur au taux de disparation des forêts. « Par opposition, les zones  humides artificielles, essentiellement composées de rizières et de réservoirs, ont vu leur superficie  pratiquement doubler sur la même période ; elles représentent aujourd’hui 12% des zones humides ». Néanmoins, cette hausse ne compense pas la perte des zones humides naturelles ni de leurs fonctionnalités écologiques.

Les biocénoses qui leur sont associées en pâtissent également : selon le rapport, qui se fonde sur une large bibliographie et des études scientifiques, « on constate un déclin de 81% des populations de poissons d’eau douce dans les zones humides intérieures et de 36% des espèces marines et côtières ». L’effondrement des populations s’accompagnent également d’un fort risque de disparition des espèces. Ainsi « les tortues marines, la mégafaune inféodée aux zones humides, les reptiles d’eau douce, les amphibiens, les mollusques non marins, les coraux, les crabes et les écrevisses figurent parmi les espèces exposées au risque d’extinction le plus élevé à l’échelle mondiale, avec plus de 30% des espèces mondialement menacées. » Selon les études de l’UICN, sur plus de 19 500 espèces dépendantes des zones humides, un quart (soit 25%) sont menacées d’extinction.

La qualité physico-chimique des zones humides se dégradent elle aussi globalement : depuis les années 1990, la pollution de l’eau s’est aggravée dans presque tous les cours d’eau d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie et il semble n’y avoir malheureusement aucune raison pour espérer une amélioration.

Répartition des zones humides (en %) dans le monde (source : Secrétariat Ramsar, d’après Davidson et al. 2018)

Si les estimations sur l’étendue mondiale des zones humides ont considérablement augmenté depuis les années 1980 (en raison principalement des récentes améliorations apportées aux méthodes de télédétection et de cartographie), elles ne traduisent pas pour autant une hausse réelle de la superficie des zones humides (Davidson et al. 2018).

Superficie relative (en %) de différentes catégories de zones humides naturelles intérieures (source : Secrétariat Ramsar).

Selon le rapport de la Convention Ramsar, « les zones humides naturelles (de surface) intérieures comprennent trois grandes catégories : les tourbières, les marais et les marécages sur sols alluviaux et les lacs naturels. Une fois réunis, ces sites forment environ 80% de la superficie mondiale des zones humides intérieures de surface ». Les zones humides côtière et/ou marines, tels que les récifs coralliens, accusent elles aussi une diminution au fil du temps.

Des zones humides artificielles plus nombreuses

Si les zones humides naturelles régressent, ce n’est pas le cas des zones humides artificielles qui parfois les supplantent. Ces zones humides façonnées par la main des humains ne remplissent pas les mêmes fonctions écologiques et ne présentent pas les mêmes services écosystémiques que leurs homologues naturels. Ces zones artificielles correspondent notamment à des zones de rizière, de réservoir et même de plantation d’huile de palme ou de bois à pâte sur sols tourbeux.

La zone intertropicale, un « hotspot » de disparition ?

D’après le rapport et diverses études, il semble que les espèces dépendantes des zones humides tropicales sont plus exposées au risque de disparition.

Proportion de vertébrés et de décapodes (crabes et écrevisses) d’eau douce menacés à l’échelle mondiale selon différents domaines biogéographiques (domaines tropicaux : en rouge ; autres domaines : en bleu). Source : Collen et al (2014).
État des espèces d’eau douce d’Afrique continentale (source : Secrétariat Ramsar, d’après Darwall et al. 2011)

À Madagascar et dans les îles de l’océan Indien, de nombreux taxons d’eau douce sont menacés à l’échelle mondiale, notamment les plantes aquatiques (80%), les écrevisses (67%), les amphibiens (49%), les poissons (43%) et les mollusques non marins (30%) (Máiz-Tomé et al. 2018).

De nombreuses espèces de la région indo-birmane sont menacées à l’échelle mondiale, dont 77% des mammifères inféodés aux zones humides, ainsi que des crabes (34%), des amphibiens, des poissons et des mollusques (17% pour chaque espèce). Cependant, peu d’entre elles (2%) sont classées « En danger critique d’extinction » (Allen et al. 2010, 2012 ; Molur et al. 2011).

Si les zones humides sont l’un des écosystèmes les plus productifs sur le plan biologique, elles restent néanmoins perçues de manière péjorative par un grand nombre de la population. Longtemps assimilées à l’insalubrité, aux moustiques et aux maladies, elles jouent pourtant de nombreux rôles bénéfiques dans le maintien les équilibres planétaires. Leur disparition aujourd’hui va bon train malgré la multiplication des conférences et des alertes scientifiques dans le monde, comme si nous étions incapables d’apprendre des erreurs du passé.