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A la rencontre de…M.Nassim Moussa, Président de l’association “Jardin” de Mayotte

Entretien et photos de Fiona ROCHE, Chargée de mission Biodiversité, Océan indien au Comité français de l’UICN

Contexte

La lagune d’Ambato située au Nord de Mayotte dans la commune de M’tsangamouji est protégée par un Arrêté Préfectoral de Protection de Biotope depuis 2005. D’une surface de 4,48ha, cette lagune abrite de nombreuses espèces emblématiques tel que le Crabier blanc – espèce d’oiseau menacé qui y niche et s’y alimente – ou encore le Cyperus articulatus, cette lagune constituant la seule station connue à Mayotte de cette espèce de plante plus communément appelée papyrus ou souchet. Dans le cadre de l’élaboration du « plan d’action zones humides de Mayotte » et suite au constat de dégradations du site par des mises en cultures, des actions ont été menées en vue de la préservation et de la restauration du site. Un comité de suivi regroupant la commune, des associations locales de protection de la nature (CBNM, GEPOMAY, Jardin), la DEAL, le service de police du département et l’UICN, assure une concertation autour des actions de préservation à mettre en œuvre. Au lendemain de la Journée Mondiale des Zones Humides, nous sommes allés à la rencontre du président de l’association Jardin lors d’une demi-journée qui a permis de faire découvrir et sensibiliser une quarantaine de personnes aux enjeux de conservation de la lagune d’Ambato.

Bonjour, en quelques mots, pouvez-vous vous présenter ainsi que votre association?

Nassim Moussa, président de l’association Jardin de Mtsangamouji. L’association a été créée il y a exactement trois ans, en janvier 2015, et mène des actions environnementales, éducatives et de sauvegarde du patrimoine local.

Qu’est-ce qui vous amène aujourd’hui sur la lagune d’Ambato?
Notre association siège au comité de suivi de la lagune d’Ambato avec de nombreux autres partenaires qui travaillent à la protection de ce milieu. Nous avons profité de la Journée Mondiale des Zones Humides pour mener une action de valorisation du site qui est très dégradé alors qu’il constitue une richesse pour Mayotte et surtout pour la commune de Mtsangamouji.

Nous souhaitons sauvegarder le site et mettre en place des actions qui permettraient aux jeunes du village d’en apprendre plus sur la faune et la flore de cette lagune et également développer en parallèle le coté touristique qui pourrait contribuer à l’économie de la commune.

L’action menée aujourd’hui vous semble-t-elle suffisante pour sensibiliser et sauver cet environnement en danger?

La journée d’aujourd’hui est très importante et c’est le point de départ pour mener des actions de sensibilisation notamment envers la population qui occupe de façon illégale le site. Il y a beaucoup de cultures, de plantations de songes, de bananiers, tous incompatibles avec la préservation de la fonctionnalité des zones humides et qui ne sont pas adaptés à l’alimentation et la survie des espèces animales et végétales qui vivent dans cette zone. Il y a toute une action de sensibilisation qui va être menée par l’ensemble des partenaires et en particulier l’association Jardin. Action qui fera l’objet d’un projet que nous pensons soumettre dans le cadre de l’appel à projet Outremer de l’Agence Française pour la Biodiversité. Une formation sur les zones humides est par ailleurs prévue prochainement avec le Gepomay et l’UICN. On sera par la suite régulièrement sur la lagune, au contact de la population, pour leur montrer l’intérêt de sauvegarder ce site.

Pourquoi est-ce important de protéger ce site?

La lagune accueille des espèces animales et végétales en voie de disparition, comme par exemple le Crabier blanc classé par l’UICN « en danger critique d’extinction » sur la « Liste rouge des oiseaux de Mayotte » de 2014. Il y a deux ans, l’espèce venait nicher sur ce site et les dérangements dus aux activités humaines l’ont probablement fait fuir. Quelques individus viennent malgré tout s’alimenter. Si on continue, ils risquent de quitter le site définitivement. On y trouve aussi des espèces végétales très rares à Mayotte voire unique sur l’île.

Pouvez-vous nous parler des autres projets portés par votre association?

Nous menons également quelques actions d’éducation: par exemple, en mars 2017, nous avons lancé un concours scolaire multidisciplinaire où 370 enfants avaient participé. Cette année, nous avons réitéré l’expérience du 26 février au 10 mars 2018. Pour cette édition, 310 enfants ont participé. 

On vient également de finir un film documentaire de l’histoire sucrière de Soulou qui fait partie du patrimoine de la commune de Mtsangamouji. Il s’agit d’une usine créée en 1856 et qui a fermé en 1898 à cause d’un cyclone. Les plantations ont été détruites, la production de sucre a été stoppée.

Enfin, nous menons une action autour de la rivière de Mtsangamoujii où des captages permettent l’alimentation en eau. Le niveau a beaucoup baissé, et nous pensons que c’est lié au déboisement mais aussi aux pluies plus rares, notamment en 2017. On cherche les propriétaires des terrains pour les sensibiliser afin qu’ils acceptent que l’on fasse des plantations autour de la rivière.

Quelques photos de la Journée mondiale des zones humides: