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A la découverte de … Manuel Hotin

Jeune guadeloupéen ayant développé depuis maintes années une sensibilité naturelle envers la préservation de son environnement et de sa terre, Manuel Hotin concourt actuellement au prix Jeune champion Ramsar pour avoir préservé, entre autres, une mare agressée par de multiples pollutions, vouée à n’être plus que l’ombre d’elle-même. Aujourd’hui, grâce à ses efforts, cet écosystème fournit à nouveau les services écosystémiques indispensables à la survie des espèces qui en dépendent, pour le plus grand plaisir des humains.

Lorsque le Pôle-relais zones humides tropicales (PRZHT) a eu vent des actions de Manuel sur la mare de Tima-Boricaud, il a tout de suite songé à lui dans le cadre de l’organisation du prix « Jeune Champion Ramsar » pour la conservation des zones humides : quoi de mieux qu’un candidat ayant œuvré de manière spontanée et isolée pour rendre une mare à nouveau fonctionnelle d’un point de vue écologique ? Jeune guadeloupéen de 18 ans, Manuel s’est engagé dans cette démarche sans autres contreparties que celle de protéger son environnement et celui des autres. Dans une région où la conscience environnementale n’est pas une priorité de la jeunesse, Manuel se démarque de par son action dévouée à la sauvegarde des zones humides de sa commune. Ce genre d’initiative, encore trop peu engagée par les jeunes guadeloupéens, est né de sa volonté d’agir pour la mare face à l’inaction et l’indifférence générale. Cette prise de conscience reste généralement exceptionnelle pour un jeune adulte.

Dans un premier temps, Manuel a extrait divers types de déchets comme des appareils électroménagers. Cette action et les résultats qu’elle procure s’inscrivent pleinement dans les engagements de la convention Ramsar en faveur de la préservation des milieux aquatiques. En effet, différentes espèces faunistiques et floristiques ont ainsi pu reconquérir la zone humide : présence pérenne d’un couple de poule d’eau Gallinula chloropus, devenue sédentaire sur le site, présence du guppy Poecilia reticulata, un prédateur naturel du moustique – véritable vecteur de maladies – et présence d’odonates et du tilapia, une espèce de poisson particulièrement chassée par le Petit Noctilion Noctilio leporonus, une chauve-souris récemment classée « vulnérable » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Préserver ces écosystèmes de mares contribue donc plus largement au maintien de la biodiversité de la Guadeloupe. Les déchets enlevés ont également permis d’améliorer la qualité de l’eau : le développement des graminées, autour et dans la mare, fournit un refuge pour les espèces et leur permettent d’y pondre leur œufs.

Répondant à une véritable sensibilité personnelle envers la biodiversité, l’engagement bénévole de Manuel a également permis à l’école primaire adjacente à la mare de développer un programme pédagogique sur la nature et l’intérêt de la préservation des zones humides de la Guadeloupe. La mare est donc devenue également un outil de sensibilisation à l’environnement.

Plusieurs faits notables sont à considérer :

  • Création d’un panneau trilingue (français/ créole/ anglais) présentant la mare, sa faune, sa flore et les bons gestes à adopter pour respecter cet environnement ;
  • Première édition guadeloupéenne de la Fête des mares 2017 organisée autour de la mare de Tima-Boricaud ;
  • Support pédagogique pour d’autres élèves de la ville, leur permettant ainsi un accès à une zone humide fonctionnelle et « en bonne santé » ;
  • Point d’intérêt écologique pour le tout public ;
  • Contribution à la préservation des écosystèmes de mares de la Grande-Terre, mal valorisés et mal considérés. Contribution à la sauvegarde du patrimoine naturel de l’île ;
  • Création d’un aménagement autour de la mare de Tima-Boricaud comme support d’observation de la mare, qui attire de plus en plus de personnes ;
Figure 2 – Juvénile de Gallinula Chloropus attestant d’une reproduction sur le site et de la présence pérenne d’un coupe de poules d’eau © J’ose La Nature
Figure 3 – Panneau pédagogique présentant la faune et la flore de la mare ainsi que les comportements à adopter pour respecter l’écosystème : panneau élaboré avec les enfants de l’école de Boricaud © Lucas Teysseire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il est nécessaire d’insister sur le fait que la démarche de Manuel est altruiste : il n’a pas juste réhabilité un site naturel mais a également pensé à comment l’aménager pour concilier préservation de l’écosystème et accueil du public. Manuel a donc réfléchit à un moyen pour permettre l’accueil des visiteurs sur le site tout en l’épargnant des problèmes induits par la fréquentation comme le piètement de la végétation ou le dérangement des espèces. L’aménagement qu’il a conduit permet d’observer la faune et la flore sans s’approcher au plus près des bords de la mare. Cette action s’inscrit également dans les préoccupations de la convention Ramsar en faveur de la préservation des milieux humides : certes l’on protège et valorise des zones humides, mais c’est aussi pour que les humains puissent continuer à en jouir (recherche des aménités de la nature, pas de mise sous cloche des écosystèmes, etc.).

Ce type d’actions peut aisément être transposable à d’autres établissements, français et/ou étrangers. Il s’agit d’une démarche universelle, qui concilie travaux de restauration écologique et activités pédagogiques pour la transmission d’un savoir naturaliste. Les réflexions autour de la mare participent également à une meilleure prise de conscience des populations locales par rapport aux problématiques liées à la gestion de la ressource en eau. La conciliation des usages et la gestion durable de l’eau sont des problématiques majeures pour des milieux insulaires comme la Guadeloupe qui peuvent connaître des pénuries à répétition. Les actions menées par Manuel, et celles qui ont pu en découler par la suite, contribuent donc à la préservation et à la valorisation des zones humides de la Guadeloupe, là où d’autres avant lui ont déjà échoués.

Il convient également de noter que la démarche entreprise par Manuel a permis d’enclencher une dynamique sur la préservation des mares. La mare de Mafonlabri, située également sur le territoire de Grande-Terre, a fait l’objet d’une plantation de Vétiver (Poacée) au niveau des berges par ses propriétaires, afin de limiter l’érosion et d’empêcher ainsi un comblement de la mare par sédimentation. Cette initiative est née après que les propriétaires de la mare a
ient constaté, avec enthousiasme, le travail de restauration mené par Manuel sur Tima-Boricaud : cela leur a inspiré une démarche de conservation analogue.

Enfin, une reconnaissance et une valorisation des actions de Manuel conforteraient la dynamique dans laquelle il s’est engagé vis-à-vis de la protection de la biodiversité et des mares, en donnant plus de légitimité et d’envergure à ses futurs projets. Indirectement, Manuel fait figure de porte-parole important pour la protection des milieux humides de la Guadeloupe.

Figure 4 – 1ère édition guadeloupéenne de la Fête des Mares (2017) organisée autour de la mare de Tima-Boricaud grâce à sa restauration par Manuel Hotin