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Les zones humides tropicales : des bombes de méthane à retardement ?

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Puits de carbone ? Oui. Émanation de méthane ? Oui aussi. Les zones humides émettent naturellement du méthane dans l’atmosphère via l’activité de certains microorganismes vivant dans leur sol pauvre en dioxygène, soit des milieux anaérobies comme les marais ou les mangroves. La dégradation de la matière organique par ces microorganismes produit du méthane. Ces derniers sont donc appelées méthanogènes. Les zones humides contribuent à environ un tiers des émissions globales de méthane dans l’atmosphère, toute origine confondue (ZHEN ZHANG et al. 2017).

Le méthane (CH4) fait parti des plus puissants gaz à effet de serre, soient ceux qui contribuent au changement climatique en altérant la composition actuelle de l’atmosphère : ils influent sur la capacité de celle-ci à filtrer, bloquer ou absorber les rayonnements telluriques émis par la terre vers l’espace (infrarouge thermique) et inversement. Longtemps négligé, le méthane est devenu le deuxième gaz à effet de serre d’origine anthropique en termes d’importance, juste après le C02 (ZHEN ZHANG et al. 2017). Si bien que le GIEC a récemment revu à la hausse son degré d’implication dans le changement climatique, en augmentant – dans son 5ème rapport datant de 2013 – son potentiel de réchauffement global (PRG) de 21 (rapport de 2007) à 28 (rapport de 2013). La concentration atmosphérique mondiale du méthane est passée de 1732 ppb en 1990 à 1803 ppb en 2011 (rapport 2013).

Les zones humides tropicales, en dépit de leur pouvoir fixateur de carbone (on rappelle que les mangroves font parties des puits de carbone les plus importants au monde), contribuent-elles par ailleurs au changement climatique avec l’émission de méthane ? C’est ce que semble suggérer une récente étude menée par des chercheurs du Swiss Federal Institute for Forest, Snow and Landscape Research WSL.

Le constat de leur étude est simple : prises dans une boucle de rétroaction, les zones humides tropicales produiraient davantage de méthane suite à l’augmentation des températures, contribuant ainsi à renforcer le changement climatique, lui-même cause de l’augmentation des émissions de méthane !

Cette étude s’est fondée sur la dynamique des émissions de méthane – zones humides boréales et tropicales – calculée à partir d’un modèle proposant différent scénario, du plus catastrophique au moins pire (mitigation et adaptation des écosystèmes et des sociétés humaines). Selon eux, si rien n’est entrepris pour contrecarrer la hausse des températures, le méthane provenant des zones humides tropicales passeraient de 48,36 Gt à 87,37 Gt dans l’atmosphère d’ici à 2099. En comparaison, pour la même période, le méthane des zones humides boréales passeraient de 18,05 Gt à 41,69 Gt à cause de l’augmentation des surfaces inondées avec la fonte du permafrost.  Malgré cette augmentation attendue des surfaces des zones humides boréales, donc  de sources supplémentaires de CH4, les zones humides tropicales resteraient largement contributrices en raison de plus fortes températures favorisant une activité microbiologique plus importante (ZHEN ZHANG et al. 2017).

Les chercheurs insistent sur le fait que ces boucles de rétroactions positives doivent être mieux prises en compte par les analystes de l’évolution du climat et les politiques d’adaptation au changement climatique. Car  les effets pervers du méthane des zones humides n’ont été jusque là pas pris en compte, et l’on ne considérait alors que le méthane d’origine anthropique. Même s’il existe naturellement des processus de dégradation du méthane dans l’atmosphère, le temps de la Terre n’est pas celui de l’Homme : la réduction des émissions de gaz à effets de serre d’origine anthropique reste donc une priorité.

Bibliographie

ZHEN ZHANG. 2017. Emerging role of wetland methane emissions in driving 21st century climate change. PNAS. 114 (36). 9647-9652 pp.

GIEC. 2007. Bilan 2007 des changements climatiques. Contribution des Groupes de travail I, II et III au quatrième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. GIEC, Genève, Suisse, 103 p.

MYHRE G. et al. 2013. Climate Change 2013: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA.  34 p.

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