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A la découverte de…Chloé DESMOTS, chargée du projet BEST 2.0 à Wallis et Futuna.

Pour ce 4ème portrait, partons à la rencontre de Chloé DESMOTS, chargée de projet BEST 2.0 basée à Wallis et Futuna, qui a accepté de se prêter au jeu de l’interview pour nous parler de son parcours, mais également des spécifiés de travail propres à ces territoires.

Présentation

Je m’appelle Chloé DESMOTS, j’ai 26 ans.

Bien qu’aujourd’hui chargée de projet au Service territorial de l’Environnement, je suis juriste de formation. En effet, après une licence de Droit, parcours sciences politiques à Bordeaux IV, je suis partie terminer mes études à l’université d’Aix-en-Provence, faculté réputée pour ses nombreuses formations en droit international.

J’ai d’abord réalisé un Master 2 en Droit de la reconstruction des États, diplôme qui a pour vocation principale de maîtriser les questions juridiques applicables aux États en situation post-conflictuelle et aux processus de transition juridique et de démocratisation. A l’issue de ce Master 2, j’ai réalisé un stage de 6 mois au sein de l’ONG Asian Forum for Human Rights and Development à Genève, qui assure la coordination entre des défenseurs des droits de l’Homme de certains pays asiatiques et les Nations Unies. J’en garde le souvenir d’une expérience très enrichissante, en particulier grâce aux rencontres que j’ai pu faire.

Mais sensible depuis toujours à la protection de l’environnement, j’ai voulu inscrire mon engagement personnel dans ma carrière professionnelle. C’est pourquoi j’ai effectué un deuxième Master 2 en « Droit international et européen de l’environnement ». Ce dernier diplôme m’a mené très loin dans le Pacifique. J’ai en effet postulé spontanément pour mon stage de fin d’études au Service de l’Environnement de Wallis et Futuna, où le besoin d’un juriste se faisait sentir. Ayant développé un fort intérêt pour la région du Pacifique au cours d’un long voyage deux ans auparavant, j’ai voulu concentrer mes recherches de stage dans cette zone. Le caractère insulaire est à lui seul source de fascination, d’autant plus quand l’isolement est si important qu’à Wallis et Futuna. De plus, une première expérience dans une collectivité d’outre-mer était aussi très intéressante d’un point de vue juridique. Je me suis concentrée au cours de mon stage sur les Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE). Le régime des ICPE nécessitait une nomenclature adaptée au territoire afin d’être pleinement appliqué. Cette nomenclature vise à indiquer si une activité relève ou non de la législation des ICPE et précise s’il s’agit d’une installation soumise à autorisation ou à déclaration.

Mais cela n’a pas été ma seule mission et j’ai également eu la chance de rédiger la proposition complète d’un projet BEST qui avait été initié par la biologiste marine du Service. Les projets BEST 2.0 sont des programmes d’appui des Pays et Territoires d’Outre-Mer européens (PTOM) soutenus par la Commission européenne et coordonnés par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature. Ils visent à promouvoir la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité et des services écosystémiques. Ainsi, dans le cadre de l’appel à projet lancé en avril 2016, deux projets ont été retenus à Wallis et Futuna dont celui proposé par le Service de l’environnement, dont je suis en charge actuellement.

Poste actuel

Depuis février 2017, je m’occupe de la mise en œuvre du projet BEST 2.0 intitulé « Biodiversité et gestion durable de l’environnement marin et côtier et des ressources associées dans le contexte du changement climatique à Wallis et Futuna ». Le projet est porté par le Service territorial de l’Environnement en partenariat avec la Fédération des associations pour la protection de l’environnement Haofaki te Ulufenua. Il vise à protéger et réhabiliter les mangroves de Wallis. Jusqu’alors mal connues à Wallis et Futuna, les mangroves constituent pourtant un habitat remarquable pour la biodiversité et fournissent un grand nombre de services écosystémiques. C’est donc aussi pour mieux les connaître que le Service de l’Environnement a voulu développer ce projet.

A ce titre, mes missions sont extrêmement diversifiées. Il y a bien évidemment une grande partie de mon quotidien qui est consacrée à la gestion du projet et budget et coordination des parties prenantes, en particulier des associations. Mais il s’agit aussi de répondre directement aux objectifs du projet. Ainsi, j’ai réalisé l’inventaire des mangroves à Wallis, étant absentes à Futuna. A l’occasion de cet état des lieux, les points GPS ont été relevés et un diagnostic de l’état de santé des palétuviers va être établi. De même, cela nous permet d’identifier les différentes pressions et les zones les plus dégradées qui méritent une attention particulière. Le rapport qui découlera de cet inventaire aidera également à la rédaction d’un cadre légal qui permettra une meilleure gestion des mangroves à Wallis. Afin de compléter cet inventaire, une cartographie très précise a été réalisée par le bureau d’études Bluecham. Elle nous permet aujourd’hui de connaître la surface précise des mangroves de Wallis.

Plus concrètement, des pépinières de palétuviers sont mises en place dans des villages par les associations. Deux pépinières sont actuellement construites et abritent à elles deux environ 2000 plantules. L’objectif sera de replanter trois mois après la mise en pépinière.

Enfin un des grands volets du projet concerne la sensibilisation des jeunes générations. J’interviens souvent au sein des écoles primaires afin d’informer les enfants sur le rôle des mangroves et les menaces qu’elles subissent. Deux écoles ont d’ailleurs monté un « projet école » sur le thème de la mangrove, ce qui nous amène à multiplier les sorties terrain et à approfondir le sujet. Les enfants de l’une d’entre elle ont été les premiers à mettre les propagules en pépinière et il est prévu qu’ils replantent fin octobre leurs plants. Cette sensibilisation est essentielle afin d’assurer la pérennité du projet.

Contexte / Coutume

La coutume est encore aujourd’hui extrêmement présente sur le Territoire. Elle désigne, d’une façon implicite, toute l’organisation originelle locale et qui a cours actuellement, parallèlement aux institutions établies par la République. Cet ensemble se matérialise en un système d’autorité, représentée par la chefferie autour du roi, qui se fond avec un système juridique et politique.

L’archipel est divisé en trois circonscriptions territoriales : Uvea (Wallis), Alo et Sigave (Futuna). Elles regroupent chacune le Chef de circonscription, le Conseil de circonscription et les villages. Or, si le Chef de circonscription est le Préfet (également Chef du Territoire et de l’exécutif), le Conseil correspond en revanche aux autorités coutumières, présidé par le Roi ou Lavelua. Le roi est assisté de ses six « ministres ». A chacun des ministres correspondent des attributions précises intervenant dans des domaines particuliers. Par exemple, le Mahe conseille le roi en matière de pêcheries et est chargé des questions relatives à la mer, à la forêt, et de manière plus générale, à l’environnement.

Les traditions n’ont donc pas été modifiées lorsque Wallis et Futuna est devenu une collectivité française d’Outre-mer créant un contexte tout à fait original où cohabitent la République française et la coutume. La loi du 29 juillet 1961 qui constitue le texte de référence pour l’identification des autorités locales et pour la détermination de leurs règles de fonctionnement a laissé subsister les autorités coutumières aux côtés des autorités de la République.

D’un point de vue juridique, en tant que collectivité d’outre-mer, le principe de spécialité législative s’applique à Wallis et Futuna. Ainsi, si le droit métropolitain n’est pas expressément étendu au Territoire, il n’y sera pas appliqué. De ce fait, Wallis et Futuna s’est doté de son propre Code territorial de l’environnement en juillet 2007. Mais les responsabilités de la chefferie ne sont pas à négliger. La spécificité majeure qui entraine des conséquences certaines reste le foncier. En effet, ce domaine est exclusivement régi par les règles coutumières et c’est aussi le cas du lagon pour la construction d’ouvrages.

Les ZH à Wallis

Pour l’instant, aucun site à Wallis et Futuna n’a fait l’objet d’un classement RAMSAR pour cause de non soumission de dossier. Néanmoins, certaines études comportent des descriptions et recommandations portant sur la préservation des zones humides et les milieux naturels de Wallis et Futuna.

Les mangroves s’étendent à Wallis sur 34 hectares et sont composées de deux espèces de palétuviers : Bruguiera gymnorrhiza et Rhizophora samoensis. Elles ne font pour l’instant pas l’objet de mesure de protection. Pourtant cet écosystème est pourvoyeur d’importants services : la mangrove permet de stabiliser les zones côtières (ce qui dans le contexte d’érosion du littoral à Wallis et Futuna revêt une importance particulière), atténue les effets des cyclones et tsunamis, phénomènes auxquels les trois îles sont sensibles et enfin est une source non négligeable de protéines. A l’échelle mondiale, les mangroves sont d’importants puits de carbone et leur perte est susceptible d’aggraver le changement climatique.

Wallis est également composé de sept lacs de cratère (lacs Lalolalo, Lanu, Lanutavake, Kikila, Lanutuli, Alofivai, Lanumaha) qui représentent des zones humides remarquables abritant une biodiversité importante.

Les zones humides comprennent aussi certaines tarodières, irriguées par des sources sur le littoral de Wallis.

Enfin, et non des moindres, Wallis est entouré d’un complexe récifo-lagonaire intégrant un ensemble varié d’habitats. Le lagon, d’une superficie de 219,5 km², intègre 19 ilots entourés de leurs couronnes récifales. Les îlots autour d’Uvéa sont encore pour la plupart surmontés d’une forêt littorale assez dense.

A Futuna, existent plusieurs rivières, cours d’eau et sources (présence de quelques rétentions d’eau type mares).

A l’heure actuelle, ces zones humides ne sont donc pas listées dans la Convention de RAMSAR mais on sait que plusieurs sites répondraient aux critères.