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La Liste rouge des mangroves de Mayotte, premier chapitre de la Liste rouge des écosystèmes en France

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Le Comité français de l’UICN s’engage dans l’élaboration de « La Liste rouge des écosystèmes en France », nouvel outil d’évaluation de la biodiversité à l’échelle des écosystèmes. Son premier chapitre, « la Liste rouge des mangroves de Mayotte », vient d’être réalisé et sera prochainement publié.
Cette étude évalue les trois entités qui composent les mangroves mahoraises : les fronts pionniers (ou mangrove externe), les cœurs de mangrove (ou mangroves centrale et interne) et les arrière-mangroves (tannes, prés-salés, mangroves et forêts supralittorales).

 

Premier chapitre de « La liste rouge des écosystèmes en France »

 

Les listes rouges élaborées par l’UICN et son réseau sont des « outils de connaissance » qui informent les décideurs, les acteurs de l’environnement et le grand public sur les risques encourus par les espèces et la biodiversité. Elles sont maintenant largement utilisées pour faire évoluer les politiques et la réglementation en matière de conservation de la nature. Après le succès des Listes rouges d’espèces menacées, une nouvelle démarche a été initiée en 2008 par l’UICN à l’échelle des écosystèmes avec l’élaboration de la méthodologie pour une « Liste rouge des écosystèmes de l’UICN ».

Cette approche a notamment introduit le concept « d’effondrement d’un écosystème », analogue à celui « d’extinction d’une espèce ». L’effondrement est défini comme « une transformation de l’identité, une perte des propriétés physiques et des espèces caractéristiques, un remplacement par un nouvel écosystème ». Afin d’évaluer ce risque d’effondrement, cinq critères d’évaluation ont été identifiés, liés à la répartition et au fonctionnement des écosystèmes :

 

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1. réduction de la distribution spatiale,

2. étendue restreinte et déclin,

3. modification de l’environnement abiotique,

4. perturbations des interactions biotiques,

5. modélisation quantitative du risque.

 

 

Les seuils définis pour chacun de ces critères permettent d’assigner aux écosystèmes considérés les catégories de risque d’effondrement : Données Insuffisantes (DD), Peu-Concerné (LC), Quasi-Menacé (NT), Vulnérable (VU), En Danger (EN), En Danger Critique (CR), Effondré (CO).

Le Comité français de l’UICN s’est impliqué dans le processus de validation de cette méthodologie et souhaite dorénavant établir une Liste rouge des écosystèmes en France. Après plusieurs études de cas, le premier chapitre de cette Liste rouge, dédié aux mangroves de Mayotte, vient d’être achevé. Cette évaluation a été effectuée dans le cadre de la rédaction et de l’animation de la Stratégie biodiversité pour un développement durable de Mayotte, publiée par l’UICN France en mai 2014 lors de la journée mondiale de la biodiversité.

 

Mangrove de Dzoumogné (© Caroline Cremades)
Mangrove de Dzoumogné

 

Ce travail dresse un bilan objectif de la vulnérabilité des mangroves de Mayotte, évaluées pour cette occasion en trois entités distinctes : front pionnier, cœur de mangrove et arrière-mangrove. Cette distinction a été retenue car les fronts pionniers, formations les plus éloignées des terres, apparaissent cruciales pour un certain nombre d’espèces, notamment d’oiseaux, mais également pour l’ensemble des mangroves se trouvant protégées par cette ceinture externe plus résistante à l’assaut des vagues. Les menaces identifiées sont également différentes selon qu’elles concernent les fronts pionniers, les zones cœurs où les milieux d’arrière-mangroves.

 

Résultats de l’évaluation des mangroves mahoraises :

 

DSCN5465Les formations externes des mangroves de Mayotte sont évaluées Vulnérable (VU). En effet, la vitesse d’érosion d’une partie des fronts pionniers semble s’être accélérée depuis les années 2000 et ils pourraient être condamnés à disparaitre au cours des 50 prochaines années, si leur vitesse d’érosion ne faibli pas. Certaines des mangroves externes de Mayotte hébergent les seules colonies de Crabier blanc, espèce évalué En Danger Critique (CR) d’extinction à Mayotte. Ces milieux les plus éloignés des terres et implantés en front de mer sont importants pour les oiseaux marins mais ils représentent également des espaces de substitution pour d’autres espèces d’oiseaux, dont certaines sont menacées d’extinction à Mayotte.

L’ensemble des milieux d’arrière-mangrove accuse un déclin continu à la fois en termes d’étendue, de qualité environnementale et d’interactions biotiques, ce qui leur vaut l’attribution de la catégorie En Danger Critique (CR) d’effondrement à Mayotte. Ces écosystèmes subsistent actuellement, pour la plupart d’entre eux, à l’état de relique. Ils ont en effet été largement transformés en zone de culture, plantations ou zone de parcage d’animaux, lorsqu’ils n’ont pas été directement remblayés et urbanisés. Ces écosystèmes sont pourtant les premiers réceptacles des sédiments provenant de l’intérieur des terres. Ils limitent ainsi l’envasement des palétuviers mais également le lessivage des éléments fins présents dans les sédiments de la mangrove, qui est une des causes du déchaussement des palétuviers actuellement observé.

 

Les zones cœur des mangroves ne sont quant à elles pas directement menacées. L’essentiel des phénomènes d’érosion ne concerne pour l’instant que les fronts pionniers et les défrichements entrepris aux alentours des principaux centres urbains n’ont entrainé que de faibles pertes de surface sur les cœurs de mangrove, à l’échelle de Mayotte. C’est pourquoi, en l’état actuel des connaissances, elles sont évaluées Peu-Concerné (LC). Cependant, l’augmentation importante des rejets d’eaux usées depuis 50 ans est susceptible d’avoir provoqué d’importantes modifications des paramètres physiques, mais aucun suivi n’a pour l’instant été réalisé sur l’ensemble des mangroves. Un jeu d’indicateur capable d’évaluer ces changements et leurs impacts sera pour cela prochainement mis en place par le Centre Universitaire de Mayotte.

Les connaissances acquises sur les mangroves mahoraises depuis plusieurs décennies, autant en termes de description floristique et faunistique qu’en termes de fonctionnement écologique, ont permis d’assurer de solides fondements scientifiques à la réalisation de ces évaluations. Le fait que certains critères n’aient pas pu être utilisés ont également permis d’identifier les lacunes de connaissance et de fournir des pistes quant aux futurs champs d’investigation possibles. Plusieurs travaux
en cours ou prévus à Mayotte vont également permettre d’apporter une réelle substance pour de futures réévaluations.

 

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La Liste rouge des mangroves de Mayotte a été réalisée en consultation avec de nombreux experts et les résultats ont été validés de manière collégiale (Centre universitaire de Mayotte, Conservatoire Botanique National de Mascarin, Conservatoire du Littoral, DEAL Mayotte, laboratoire Ecolab-CNRS, l’EPHE, bureau d’étude ESPACES, GEPOMay, Mayotte Nature Environnement, Naturalistes de Mayotte, ONF Mayotte, Parc Naturel Marin de Mayotte, SIEAM).

 

Document bientôt disponible sur : http://www.uicn.fr/La-Liste-rouge-des-ecosystemes.html

 

Contacts :

Aurélien Carré, Chargé de mission « Liste rouge des écosystèmes », Comité français de l’UICN.
Mail :
aurelien.carre@uicn.fr, Tel : 01 43 31 02 79.
Pauline Teillac-Deschamps, Chargée de Programme Ecosystème, Comité français de l’UICN.
Mail :
pauline.teillac-deschamps@uicn.fr, Tel : 01 43 36 49 61.

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